Les Rendez-vous de l'histoire à Blois - 9 oct 2009



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« La douleur au sein du système concentrationnaire ». Conférence donnée le 9 octobre 2009 dans le cadre des « Rendez-vous de l’histoire » de Blois [1].
(Les notes, indiquées par des
[...] se situent en bas de page.)

© Ophir Levy.
Pour citer ce texte : Ophir Levy, "La douleur au sein du système concentrationnaire", conférence prononcée le 9 octobre 2009 aux « Rendez-vous de l’histoire » de Blois.

L’histoire de la douleur au XXe siècle est traversée par deux tendances paradoxales. Il y a, d’une part, la considération toujours plus grande accordée au sujet souffrant, dont on peut aisément faire remonter l’origine au XVIIIe siècle. En 1780, Ambroise Tranquille Sassard publie un court texte au ton engagé dans lequel il s’interroge sur l’utilité même de la douleur, considérée par ses pairs comme le guide infaillible de la main du chirurgien[2]. Là où ne comptait que le face-à-face glorieux du chirurgien et de la maladie, dans lequel la douleur constituait un allié aussi précieux qu’inévitable, le patient et sa souffrance étaient quant à eux occultés. Mais avec la découverte par Morton de l’anesthésie opératoire en 1846, la douleur devient contingente. N’apparaissant plus comme absolument nécessaire, les différents discours portés sur elle (médical, théologique, philosophique) se modifient peu à peu, au point que la priorité est désormais donnée à la sédation de la douleur, avant même la guérison.
Or, si la médecine œuvre à la promotion du malade et à l’éradication de la douleur, une autre tendance se fait jour au même moment. La douleur prolifère dans un monde qui place le corps humain face à la puissance aveugle des machines (dans le travail ouvrier) et des armes (la violence décuplée des guerres). Ecartée par la médecine et par le confort du au progrès technique, la douleur réintègre le paysage quotidien par le biais du politique. Après des siècles d’efforts pour en faire l’exception, l’expérience concentrationnaire allait en faire la norme.
J’ai découpé mon propos en trois mouvements (auxquels, par clin d’œil, j’ai donné des titres de livres) qui sont autant de questions :
1. « L’enfer organisé » ou quels étaient le rôle, le but et la signification de la douleur au sein du système concentrationnaire.
2. « Une vie » ou comment la douleur révèle-t-elle la réduction d’existences humaines au rang de « vies nues ».
3. « L’espèce humaine » ou comment se noue la relation intime entre la notion de douleur et la notion d’humain. On a souvent dit que les conditions de vie concentrationnaires, dans une souffrance permanente, conduisaient à déshumaniser les déportés. Mais la généalogie doit être inversée. C’est au nom d’une dénégation préalable de l’humanité d’autrui (Juifs, Tziganes, asociaux, etc.) que la douleur pouvait leur être infligée.
Je n’évoquerai ici que le thème de la douleur physique. Les souffrances morales (arrachement familial, mort des proches, deuil impossible, humiliations, honte) demanderaient une étude séparée. J’évoquerai ici presque exclusivement les camps de concentration[3]. Néanmoins, je voudrais profiter de cette invitation du CERCIL pour évoquer également lors de mon intervention, le sort réservé aux Juifs dans les camps d’internement du Loiret. Cet aspect de l’histoire de la déportation est moins bien connu du grand public alors que Beaune-la-Rolande ou Pithiviers, où les Juifs étaient internés avant leur déportation à l’Est, ont constitué la première expérience de l’enfermement, de la maltraitance, de la faim et du froid, l’antichambre d’Auschwitz.

I. L’enfer organisé
Au sein du système concentrationnaire, l’expérience de la douleur est permanente et généralisée. Jean Améry (Juif viennois, survivant d’Auschwitz, dont le vrai nom était Hans Maier) le dit de manière radicale et étend son propos à l’ensemble de l’idéologie nazie : « je suis convaincu que pour le Troisième Reich la torture n’était pas un accident : elle en était l’essence même[4] ». Plus que la douleur, ce que vise ici Améry est la torture, c’est-à-dire la douleur infligée, volontaire, calculée, programmée, avec tout ce que cela comporte de perversion et de jouissance de la part du tortionnaire.
Le système concentrationnaire est tout entier articulé autour des effets d’une douleur organisée. Mais avant d’essayer de mettre au jour la logique qui préside à cette omniprésence de la douleur, je voudrais en décrire brièvement les modalités d’apparitions.

Formes de la douleur concentrationnaire
Les causes principales de douleur au sein du système concentrationnaire sont la faim, la soif, le froid, les poux, les maladies, les coups, les punitions, la torture, les expériences médicales.
La faim et la soif
La faim et la soif vont constituer « l’obsession[5] » permanente des déportés comme le disent Robert Antelme et Charlotte Delbo. Mais pour de nombreux Juifs de France, cela commence avant même la déportation, dans les camps d’internement du Loiret. « On peut dire qu’on crevait de faim[6] » raconte Samuel Chymisz, dont la femme et la belle-mère ont été chassées à coups de pied dans le ventre parce qu’elles essayaient de lui passer de la nourriture par-dessus les barbelés de Pithiviers. Ce type d’incident conduira à l’autorisation de recevoir des colis en camp d’internement (en juin 1941) mais le plus souvent, les douaniers du camp volaient ce qui leur plaisait dans les colis avant de les distribuer.
Jacques Starker apporte un témoignage similaire : « A Beaune-la-Rolande, j’ai littéralement crevé de faim[7] ». Les gens se battaient pour tout et n’importe quoi, dit-il, pour un peu d’eau chaude, pour une soupe dans laquelle il n’y avait à manger que des rutabagas (légumes-racine entre le navet et le chou) et des pois chiches durs comme des cailloux.
Dans les camps de concentration, la faim se révèle être d’une autre nature (pas de colis, moins de nourriture, conditions climatiques beaucoup plus dures, travail forcé). Violette Maurice raconte la faim à Ravensbrück : « Faim lancinante, faim qui torpille les entrailles et vous laisse sans force en proie à de constants vertiges[8]. » La faim envahit le déporté jusqu’à faire corps avec lui. Comme l’écrit Primo Levi, il ne s’agit plus d’avoir faim, mais de devenir la faim : « Mais comment pourrions-nous imaginer de ne pas avoir faim ? Le Lager est la faim : nous-mêmes nous sommes la faim, la faim incarnée[9] ». C’est un des traits majeurs de la douleur que d’assiéger l’individu, de s’imposer à lui au cours d’une véritable « Invasion[10] » pour reprendre le terme d’Alphonse Daudet.
Les conséquences les plus extrêmes du combat contre la faim sont des cas de cannibalisme rapportés dans le ghetto de Varsovie et à Auschwitz (nous y reviendrons plus bas).
Samuel « Milo » Adoner, qui travaillait dans les Sheissekommando (commando de la merde) de Birkenau. Il vidait les tinettes (récipients pour les excréments) afin de faire de l’engrais. Il raconte, dans un témoignage diffusé au Mémorial de la Shoah, avec sa gouaille de Titi parisien et avec un force de vie extraordinaire, qu’il récupérait dans la merde ce qu’il pouvait (par exemple un bout de pain tombé dans les latrines), qu’il le nettoyait et qu’il le mangeait.
En somme, les détenus luttent en permanence contre la mort programmée pour eux par les SS. Ils sont censés mourir de faim et de fatigue, à l’usure, car comme l’écrit R. Antelme, « la mort est dans le temps[11] ».

Le froid
C’est encore Antelme qui, dans une formule lapidaire, exprime le mieux l’intégration du froid au sein de l’éventail sinistre des douleurs infligées. Il raconte qu’au camp de Gandersheim, le froid « martyrisait » les corps, « car l’hiver était SS, le vent, la neige étaient SS[12] ». Dans le programme destructeur des nazis, le froid n’est plus une donnée naturelle neutre, il est l’implacable allié des SS.
Parmi les pires moments du camp, l’appel est probablement un des plus redoutés. Les détenus restent immobiles, dans un froid et des vents glaciaux, en pleine nuit, pendant 1h30 en moyenne, parfois le double. Dans certains camps, le réveil a lieu à 3h du matin et l’appel à 3h45. Il y a plusieurs appels pendant la journée (autour de 12h45 et 18h30) dans des températures qui, en hiver, descendent de -10 à -25° degrés (comme ça pouvait être le cas à Auschwitz).
Fin 1938, le commandement du camp de Buchenwald, Rödl, voulut que son camp ait sa chanson comme tous les autres camps de concentration. La chanson composée, Rödl la fit répéter avec obstination pendant 4h à 7000 hommes debout et transis en plein mois décembre !

Les poux
Avant d’en subir les assauts, les Juifs ont régulièrement été associés aux poux, à l’idée qu’ils étaient des parasites et que leur seule présence pouvait contaminer celui qui les fréquentait. Une affiche de propagande polonaise datant de 1940, sur laquelle on voit un vieux Juif couvert de poux gigantesques qui se terre dans l’ombre, mettait en garde la population : « Pour éviter l’épidémie de typhus, éloignez-vous des Juifs ! ». Le Juif serait donc à la fois le véhicule privilégié des poux et le premier d’entre eux.
D’ailleurs, quand L’Express publie en octobre 1978 un entretien avec l’ancien Commissaire aux Questions juives de Vichy, Louis Darquier de Pellepoix, c’est cette même association qui fait retour : « A Auschwitz on a gazé que des poux » déclare-t-il (ambiguïté négationnisme/antisémitisme).
En France, dix jours après la grande rafle parisienne dite du « Billet vert », qui a vu 3700 Juifs arrêtés et envoyés dans les camps du Loiret, certains manifestent leur satisfaction. Ainsi, le samedi 24 mai 1941, Jean de Nibelle signe un article enthousiaste dans le journal local de Pithiviers : il se réjouit de voir plusieurs milliers de Juifs rejoindre des camps de concentration, ce qui annonce enfin « l’épuration de la France ». Il vaut mieux savoir « la pouillerie sémite » derrière des fils barbelés plutôt qu’à la tête de nos mairies et de nos banques. Les Juifs, hier si puissants, ne sont plus aujourd’hui qu’un « gibier de camp de concentration[13] ».
Ce journaliste ne pensait pas si bien dire et dans les camps, le « gibier » sera la proie des poux. Milo Adoner dit qu’il les arrachait de son corps à pleines mains[14]. Evidemment, juifs ou pas, quels que soient les camps, tous les déportés étaient menacés. Antelme décrit l’effet des poux, la brûlure, les démangeaisons, leur présence permanente et obsédante, avec leurs conséquences sur le moral du détenu : « Des croûtes commencent à se former, je les arrache et elles saignent. Je n’en peux plus, je vais crier. Je suis de la merde. C’est vrai, je suis de la merde[15]. »
Dans les baraques de nombreux camps, on pouvait lire l’inscription « Un pou = ta mort ! » (« Ein Laus, Dein Todt »). En effet, le pou propageait le typhus et un détenu pouvait se faire frapper à mort par un kapo lors d’un contrôle parce que l’on avait trouvé des poux sur sa tête[16].

Les maladies
Les conditions d’hygiène épouvantables, de dénutrition extrême, de déshydratation, de froid et de promiscuité favorisaient le développement de multiples maladies : le typhus (qui se transmet par les poux de corps), la fièvre typhoïde (liée à la contamination de l’eau), la dysentrie (liée aussi aux eaux souillées), etc. Aux malades du camp de Gandersheim qui viennent le trouver, le médecin espagnol du camp ne cesse de répéter : « Vous ne savez pas ce que c’est qu’un camp de concentration ![17] »
A Jargeau, troisième camp d’internement du Loiret, où sur les 1720 internés de l’histoire du camp 1190 sont des Tziganes, les conditions de vie sont absolument misérables (gale, fièvre typhoïde, tuberculose).
A l’infirmerie de Beaune-la-Rolande, on trouvait toutes les maladies possibles : dysenteries graves, scarlatines, diphtéries, coqueluches, rougeoles. Adélaïde Hautval, médecin du camp, rappelle que l’insuffisance de soins, le manque d’hygiène et de médicaments aggravaient la situation : « Tout cela est un tout petit avant-goût de ce que nous verrons plus tard[18] » écrit-elle en pensant à Auschwitz.

Les coups, le travail, les punitions, la torture
Je rassemble ces quatre notions car elles partagent la même logique : de manière arbitraire et insensée, faire subir au corps du détenu des outrages afin de le soumettre, de l’humilier, de le discipliner, de l’avilir, de l’ériger en exemple pour terrifier les autres et de lui faire comprendre, par le côté incompréhensible des coups de schlague qui lui tombent dessus, qu’il est absolument soumis au bon vouloir du kapo ou du SS.
Le travail était plus une punition qu’une activité productive ou éducative, comme le notent Eugen Kogon, Simone Veil et tant d’autres témoins. Une grande partie des travaux était inutile (construire des murs qu’on détruisait le lendemain, casser des cailloux, porter des objets lourds d’un endroit à un autre). Les kommandos extérieurs étaient les plus redoutés : jardinage, terrassement, latrines. On y était soumis à la perversité des SS qui pouvaient tuer un détenu parce qu’il n’avait pas réussi à soulever une pierre énorme absolument impossible à déplacer[19].
Pelagia Lewinska raconte qu’à Auschwitz, où elle a passé presque deux ans, même les moments de repos étaient insupportables. Les baraques étaient surchargées, les détenues étaient les unes sur les autres, se marchaient dessus pour circuler, avaient peur des vols : « Après une journée entière de labeur, de pluie, de froid et de boue, on ne pouvait considérer notre séjour dans la baraque comme un repos, mais comme un nouveau martyre[20] ».
« A chaque instant, écrit Eugen Kogon, la foudre pouvait vous frapper[21] » car les détenus se faisaient tabasser sous n’importe quel prétexte : avoir les mains dans les poches, avoir le col relevé quand il pleut ou quand il vente, avoir un bouton de chemise manquant, avoir des souliers sales (alors qu’on marche dans la boue), avoir des souliers trop astiqués (ce qui signifie qu’on a peut-être manqué le travail), n’avoir pas salué, s’éloigner trop longtemps du kommando de travail, manger sur le lieu de travail, ramasser des mégots de cigarette, etc, etc.
Le motif du soi-disant « sabotage » ou de l’« évasion » servait à justifier n’importe quelle punition. Parfois, on confondait les numéros des détenus et un innocent pouvait être puni pour un autre. La logique est absolument arbitraire, incompréhensible (« hier ist kein warum » « ici, il n’y a pas de pourquoi » se voit répondre Primo Levi qui demande pourquoi il vient de subir une injustice). Il ne faut pas oublier que les détenus sont encadrés par des « droits communs », c’est-à-dire des assassins, des voleurs, des violeurs, des escrocs qui, parce qu’ils sont allemands, valent toujours mieux que le meilleur des Juifs, des Tziganes ou même des Français. Le système concentrationnaire est à front renversé, ce sont les criminels qui y font régner la loi.

A Buchenwald, la bastonnade avait lieu sur le Bock (chevalet), table sur laquelle le détenu était ligoté sur le ventre et frappé ou fouetté. Une des punitions les plus redoutées était la suspension à un arbre. Il s’agit de suspendre le détenu les mains dans le dos, attaché par les poignets, à 2m du sol. Tout le poids porte sur les articulations, ce qui entraine la luxation de l’articulation de l’épaule dans des souffrances atroces. Une fois suspendus, des coups de bâton sur les pieds, le visage et les parties sexuelles comme en témoigne Eugen Kogon : « Fous de douleur, les malheureux demandaient de l’eau, leur femme, leurs enfants ; ils demandaient que, d’une balle, on mit fin à leur tourment. Ce supplice durait d’une demie heure à quatre heures. Ceux qui n’en sont pas morts ont presque toujours été rendus infirmes pour la vie[22] ».

Les expériences médicales
Il y a eu des expériences médicales dans de nombreux camps de concentration :
- à Buchenwald : inoculation de virus (typhus, méningite, variole), brûlures au phosphore, vivisections diverses.
- à Dachau : injection de pus, ponctions sur le foie et l’estomac sans anesthésie.
- au Struthof : inoculation du typhus, vivisection.
- à Ravensbrück : d’horribles expériences ont été menées sur les jambes de 75 étudiantes polonaises : prélèvement, découpage, cultures de gangrène, tétanos, staphylocoques. Une dizaine de ces jeunes femmes sont « mortes dans des souffrances intolérables[23] ».
- à Auschwitz : stérilisation par injection d’un produit caustique dans l’utérus, par le « Professeur » Clauberg. Effet immédiat pour beaucoup de femmes pour qui ces piqures sont « l’occasion de souffrances atroces[24] », montée de température et inflammation des organes. L’injection elle-même est déjà douloureuse puisque faite au moyen d’une pompe électrique brutale.
- A Birkenau ont lieu des expériences de stérilisation aux rayons X par le Dr Schumann. Les petites Grecques sur qui ces expériences sont faites vomissent, ont de graves brûlures et « se plaignent de douleurs abdominales atroces[25] ». Ce sont surtout les intestins qui ont été touchés par les rayons, comme on le découvre suite à des incisions pour ablation des ovaires.

Ce que vient signifier la douleur :
La norme
La peur des coups qui induit l’obéissance, la faim et le froid qui affaiblissent l’organisme, les sévices, le travail forcé, les punitions et les expériences médicales achèvent de démontrer que dans le camp de concentration, pour les SS, « tout est possible » comme l’écrit Hannah Arendt. Là où la douleur relève de l’exception, le système concentrationnaire institue la douleur comme régime normal de l’individu. Elle était intégrée par les détenus comme une donnée élémentaire de leur existence au Lager. Ainsi cette femme à Birkenau qui, devant se battre pour accéder au robinet, revient en annonçant triomphalement à Adélaïde Hautval : « J’ai pu me laver. Cela ne m’a coûté que six coups de bâton[26] ». Par un renversement absolu des valeurs, la douleur devient la grande régulatrice de la vie concentrationnaire.
L’expérience quotidienne de notre corps est celle de la transparence. Notre corps agit spontanément et lorsque nous nous promenons dans la rue, nous n’avons pas conscience des multiples opérations qui s’accomplissent (marche, respiration, etc.). Comme le pensait le chirurgien René Leriche, nous pouvons définir la santé comme « la vie dans le silence des organes ». Le régime idéal du corps est donc la transparence à nous-mêmes, l’absorption, le fait d’oublier que nous avons un corps car nous sommes entièrement à notre activité dans le monde. Le propre de la douleur, de façon générale, est de briser l’illusion de la transparence. La douleur d’un malade ou d’un blessé vient lui rappeler qu’il a un corps et le rive à celui-ci, jusqu’à la guérison. La singularité du camp de concentration vient de la permanence de la douleur, de l’impossibilité d’échapper à son corps. Jean-Michel Chaumont écrit à ce propos : « Dans l’expérience concentrationnaire, le corps ne se laisse jamais oublier alors même que tout le reste peut l’être. La douleur s’endure des semaines et des mois et imprime sa temporalité spécifique – celle de la répétition indéfinie – à la totalité du vécu. Sans cesse le corps concentrationnaire manifeste le manque et la douleur qui le traversent. Le besoin matériel et la quête d’un état de moindre mal-être deviennent les principaux déterminants de tous les comportements[27]. »
D’un point de vue juridique, le camp de concentration correspond également à l’instauration de l’état d’exception comme nouvelle norme. Le philosophe Giorgio Agamben souligne l’influence des travaux de Carl Schmitt, juriste proche des nazis, selon lequel l’essence de la souveraineté de l’Etat n’est pas le monopole de la coercition ou de la décision, mais celui de l’exception. Le paradoxe du souverain est qu’il est en même temps à l’intérieur et à l’extérieur de l’ordre juridique. Carl Schmitt définit donc la souveraineté ainsi : « Est souverain celui qui décide de l’état d’exception », ce à quoi Agamben répond : « le camp est l’espace qui s’ouvre lorsque l’état d’exception commence à devenir la règle[28]. »
Si la douleur devient la norme et si le corps se replie sur lui-même dans un continuel ici et maintenant, qu’advient-il de l’habit social et du vêtement moral dont se couvre tout existence humaine ? Une existence à ce point dénudée par l’horreur nazie est défigurée, jusqu’à n’être plus que de la vie nue.

II. Une vie
Les Grecs avaient deux mots distincts pour exprimer la vie : zoé (vie naturelle, terme commun à tous les vivants) et bios (façon de vivre propre à un individu ou un groupe). L’homme, nous dit Aristote, parvient grâce au langage à mener une vie politique, à constituer une polis, c’est-à-dire vivre avec les autres. Le langage lui permet de se séparer ainsi de sa vie nue. L’homme, en tant qu’il raisonne, parle, échange avec les autres, construit un monde, mène une vie riche, une vie au sens de bios. Le grand geste nazi, celui qui s’accomplit dans le camp de concentration, est de réduire cette vie bios à une vie zoé.
L’individu se réduit et se replie jusqu’à ne plus être autre chose que les aléas de son corps. Cette pure corporalité n’est pas fondée sur le vieux schéma dualiste qui oppose corps et esprit. Il s’agit de tout autre chose. Il s’agit de l’altération d’un corps de santé, d’un corps souverain, d’un corps de plaisir transformé en un pur corps traversé de manque et de souffrance. Antelme tremble d’être devenu un « tuyau à soupe[29] » qu’on remplit d’eau et qui pisse beaucoup. Jean Améry écrit : « j’avais compris qu’il y a des situations dans la vie où le corps devient notre Moi tout entier et notre destin tout entier. J’étais mon corps et rien que cela : dans la faim, dans les coups que je recevais, dans les coups que je donnais. Mon corps, exténué et couvert de croûtes de crasse, était mon fléau[30]. »
Dans l’univers concentrationnaire, du fait de la douleur qui l’assigne sans répit à son propre corps, le sujet est rivé à la répétition mortifère d’un temps qui ne s’écoule plus. C’est exactement l’expérience quotidienne qu’a vécue Elie Wiesel à la Buna, le camp secondaire d’Auschwitz : « Je n’attachais plus d’intérêt qu’à mon assiette de soupe quotidienne, à mon bout de pain rassis. Le pain, la soupe – c'était toute ma vie. J’étais un corps. Peut-être moins encore : un estomac affamé. L’estomac, seul, sentait le temps passer[31]. »
La douleur ne se décline toujours qu’au présent et entraîne la perte de la notion de perspective temporelle. Au mieux, comme l’écrit Primo Levi, l’avenir se réduit à combien aura-t-on à manger aujourd’hui et va-t-il neiger ?
Dans un poème intitulé « Le pire », Maurice Honel donne forme à cette boucle étouffante du même, à ce cycle incessant de la douleur qui gèle le temps :
« Le pire, c’est la faim.
Avoir faim, attendre la coulée chaude.
Le pire, c’est le froid.
Le froid quand on a faim.
Le froid des affamés qui tendent l’écuelle
Attendant tout du temps,
N’attendant rien d’eux-mêmes.
Le pire, c’est les coups,
Les coups dans les reins.
C’est aux reins que les genoux s’articulent.
Douleur des coups, des corps sans genoux,
Douleur aux reins après deux heures d’appel,
Corps au réveil.
[…]
Le pire, c’est d’être ici.
Le pire, c’est d’y penser.
Le pire, c’est d’écouter
Le temps qui ne s’écoule pas[32]. »

Briser les instincts sociaux
Une vie nue est une vie dénudée de son vernis d’humanité. Une vie où les codes sociaux ont volé en éclat. Primo Levi présente Auschwitz comme un dispositif expérimental de réflexion sur le comportement humain, une mise en pratique du naturalisme. On pense ici à Hannah Arendt qui décrira le système concentrationnaire comme un « laboratoire pour l’expérimentation de la domination totale ». Cette expérimentation abjecte nous révèle, selon Primo Levi, que c’est la douleur, la souffrance physique, qui détruit les instincts sociaux[33]. Egoïsme, vol, individualisme, lutte pour la survie.
Mais plus que de ses codes sociaux, l’homme se défait parfois de certains interdits fondateurs des sociétés humaines (en tout cas de la nôtre), comme le cannibalisme.
Raul Hilberg rapporte un de ces cas extrêmes face à la faim dans le ghetto de Varsovie, relevé le 21 mai 1942 dans un rapport secret de la section de propagande du district : « Voici quelques jours, un premier cas de cannibalisme dû à la faim a été enregistré. Dans une famille juive, le père et les trois enfants étant morts en quelques jours, la mère a mangé un morceau de l’enfant décédé le dernier – un garçon de douze ans. Cela ne pouvait de toute façon pas la sauver ; elle est morte elle-même deux jours plus tard[34]. »
Rudolf Höss, le commandant d’Auschwitz, raconte avoir été témoin de cas de cannibalisme, notamment chez les Russes : « Ce n’était plus des hommes. Ils s’étaient transformés en bêtes qui ne pensaient plus qu’à manger ». Par ce commentaire douteux sur l’inhumanité de ces détenus, Höss semble justifie rétrospectivement sa propre attitude inhumaine. A quoi bon traiter humainement des individus qui ont abdiqué toute humanité ?
Je l’ai déjà dit plus haut, la douleur participe de cette réduction de l’existence humaine à la vie nue. A la vie nue mais à la vie quand même. Pour Primo Levi, c'est paradoxalement la souffrance même infligée au corps qui rattache le détenu à la vie : tant qu’il se rappelle qu’il a un corps et qu’il tente de le préserver, il est vivant. Malheur à celui qui n’habite plus son corps, il devient alors un « Musulman[35] ».
La douleur visait à déshumaniser le déporté en le réduisant à sa dimension biologique, en humiliant sa prétention d’appartenir à l’humanité, ce qu’Antelme exprime très bien : « La mise en question de la qualité d’homme provoque une revendication presque biologique d’appartenance à l’espèce humaine[36]. »


III. L’espèce humaine
La mise en cause de l’humanité d’autrui, qui est une vieille tradition de l’Occident, a pris un tour inquiétant au XIXe siècle, avec le fantasme de mesurer l’humain et d’en hiérarchiser les races. Les scientifiques, cherchant un critère d’évaluation du degré de complexité et de conscience des individus, se sont souvent servi de celui de la douleur. (Déjà l’animal machine de Descartes, Carl von Linné, biologiste suédois du XVIIIe siècle le critiquera en écrivant de manière cinglante : « évidemment, Descartes n’a jamais vu singe »).
L’humanité d’un homme devait nécessairement être intimement liée à son ressenti de la douleur.
Dans Genesis of Species, en 1871, le biologiste anglais Saint George Mivart écrit que « la souffrance physique et le mal moral sont tout simplement incommensurables ». Pour Mivart, la douleur de l’animal, comme celle de l’homme primitif, est négligeable car elle dépend de leur complexité morale. Ainsi, la douleur « dépend grandement de la condition mentale de celui qui souffre. Elle existe seulement lorsqu’il y a conscience, et elle atteint son acmé seulement chez les êtres humains les plus hautement organisés. On a assuré à l’auteur que les races d’hommes inférieures semblent moins sensibles à la douleur physique que les êtres humains plus cultivés et plus raffinés[37]. »
Dans le même état d’esprit à la fin des années 1880, Jean-Marie Guyau, philosophe emblématique de la IIIe République, estime qu’à douleur égale, les Noirs souffrent moins que les Blancs, car ils ont une conscience moins développée et que les organismes supérieurs, donc les Blancs, sont plus sensibles (Cf. les analyses de M. Onfray au sujet de Guyau). Chez Mivart comme chez Guyau, la démonstration est biaisée par le fait que dès le départ, l’infériorité de certaines races est posée en principe.
Ainsi, la proposition initiale (l’humanité d’un homme, c’est-à-dire son degré de perfection sur l’échelle de l’évolution, détermine son ressenti de la douleur) pourra trouver son versant négatif (l’inhumanité d’un homme posée en principe détermine la douleur que je peux lui infliger). En déniant ou ne serait-ce qu’en minimisant la qualité d’humain de l’autre homme, j’en fais un être qui n’est plus inviolable. (un Homo sacer dirait Agamben)
Animalisé ou réifié, autrui devient un territoire d’expérience (au sens scientifique).
- les expériences sur l’homme ne furent pas une exclusivité nazie : en 1928, 800 détenus furent contaminés aux Etats-Unis par le plasmodium de la malaria. Les expériences furent menées sur des condamnés à mort en échange d’une promesse de remise de peine s’ils survivaient.
- entre 1932 et 1972 fut suivie une étude sur l’évolution de la syphilis chez 399 Noirs américains pauvres de Tuskegee, en Alabama. Tout cela sous l’égide du Service de la santé publique des Etats-Unis (US-PHS). En 1940, avec l’apparition de la pénicilline, la syphilis disparut peu à peu. Mais les autorités sanitaires ne traitèrent pas les sujets de l’expérience afin de pouvoir suivre l’évolution de la maladie. Quand l’affaire fut révélée, elle provoqua un scandale aux Etats-Unis et Clinton présentera ses excuses aux survivants le 16 mai 1997[38].
- loi de protection animale du 24 nov. 1933, contre la vivisection.
- expériences nazies citées plus haut qui font des juifs un matériel d’expérience. Dans une lettre envoyée à Himmler le 30 mai 1941, le Pr Clausberg demande l’autorisation de disposer du « matériel humain[39] » que lui offre Auschwitz.
Le Pr Clauss, ancien élève de Husserl, parla « d’âmes raciales » distinctes et incompatibles entre elles même quand les individus parlent la même langue. Clauss fut au centre d’un scandale en 1941 quand on apprit qu’il vivait depuis 20 ans avec sa collaboratrice juive, Mme Landé. Pour sa défense, il déclara au tribunal du parti le 20 décembre 41 : « Je m’intéresse au judaïsme comme le médecin à la maladie. J’oppose à un bacille un antibacille […] Elle n’est pas seulement mon instrument : c’est aussi mon objet d’examen préféré. J’étudie en elle la manière dont elle s’approche des gens, dont elle se donne, la manière orientale, arabe, dont elle utilise la langue et y trouve une forme d’expression, bref : c’est un instrument, un objet d’examen, un auxiliaire[40]. » Le Pr Clauss sera exclu du parti nazi et de l’université de Berlin en 1943.
Qu’est-ce qui peut rendre ces expériences possibles ? Si la question est posée au présent, c’est parce que les dangers qui planent sur le corps (brutalisation, déconsidération, réification) sont loin d’être révolus.
- Une certaine déconsidération de l’humanité de l’autre, dont l’histoire est très longue. Pour ne donner qu’un exemple, en 1768, le philosophe Jean-Baptiste Robinet explique dans ses Essais de la nature qui apprend à faire l’homme, que la nature, pour arriver à la perfection de l’homme blanc, a procédé par essais successifs. L’orang-outang est ainsi une étape entre le singe et l’homme. Mais les Hottentots (tribu qui vivait en Namibie) étaient une étape entre l’orang-outang et l’homme et ainsi de suite.
- L’indexation du droit à la vie sur l’utilité sociale et productive de l’individu. Thème des bouches inutiles et des vies « indignes de vivre » chez Binding et Hoche en 1920. Karl Binding, qui était juriste, milite pour légaliser « la destruction de vies qui ne valent pas d’être vécues ». Cf. A. Carrel. C’est également la question du « biopolitique » qui risque immanquablement de se poser à nous.
- La création de zones juridiques indéterminées dans lesquelles règne l’état d’exception (le statut des Noirs américains avant les années 60, le statut des Juifs, l’absence de droit dans le cadre concentrationnaire, la mort déjà entérinée du condamné à mort).

Conclusion
Dans la perversité du SS qui frappe le détenu en se délectant de sa douleur et de sa plus totale soumission, malgré la volonté de déshumanisation, il y a encore l’idée qu’il a affaire à un être vivant sensible. C’est d’ailleurs précisément cette sensibilité violentée qui procure au SS ou au Kapo un sentiment de toute-puissance. Antelme le suggère lorsqu’il écrit : « On peut comprendre ceux qui se sont jeté sur les barbelés électrifiés. Autant pour retirer au SS ce qu’il a dans les mains que pour cesser de souffrir. Le mort est plus fort que le SS[41]. » L’indifférence parfaite du mort renvoie aux SS les coups qu’ils donnent.
En revanche, dans le regard froid du scientifique, le déporté est réifié, il devient un objet d’expérience, un « matériel humain ». Sa sensibilité est un facteur absolument dénué d’intérêt et il va de soi que les expériences effectuées sur les détenues étaient opérées sans anesthésie. Le déporté est une entité déjà morte (d’un point de vue juridique, philosophique voire ontologique) mais dont l’organisme fonctionne. Il est donc réduit à de la vie nue, manipulable à merci.
Ce qui disparaît dans ce rapport (ou plutôt ce non-rapport) à l’autre, c’est ce que Levinas appellerait le « visage », c’est-à-dire l’irréductible altérité d’autrui. Personne n’a décrit cette expérience de négation d’autrui mieux que Primo Levi lorsqu’il évoque le Dr Pannwitz, qui veut lui faire passer un examen de chimie : « son regard ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du IIIe Reich » (p. 113).
L’essence du Troisième Reich ? La torture pour Jean Améry, la négation de l’humanité de l’autre homme pour Primo Levi, à qui je laisse le mot de la fin : « Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous ; aussi peut-on qualifier de non humaine l’expérience de qui a vécu des jours où l’homme a été un objet aux yeux de l’homme. » (p. 185)

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NOTES
[1] Cette conférence s’est tenue suite à l’invitation du CERCIL (Centre d’études et de recherche sur les camps d’internement du Loiret) dont je tiens à remercier la présidente Hélène Mouchard-Zey, la directrice Nathalie Grenon ainsi qu’Annaïg Lefeuvre.
[2] A.T. Sassard, « Essai et dissertation sur un moyen à employer avant quelques opérations pour en diminuer la douleur » texte repris in J.P. Peter, De la douleur, Paris, Quai Voltaire, 1993.
[3] Il convient de distinguer ce que David Rousset appelle « l’univers concentrationnaire » de ce que Hilberg désigne comme « centre de mise à mort » visant à « la destruction des Juifs d’Europe ».
[4] J. Améry, Par-delà le crime et le châtiment. Essai pour surmonter l’insurmontable (1966), traduit de l’allemand par Françoise Wuilmart, Paris, Actes Sud, coll. « Babel », 1995, p. 64.
[5] R. Antelme, L’espèce humaine (1947), Paris, Gallimard, 1957, (éd. Tel Gallimard, 2000), p. 93. C. Delbo, Aucun de nous ne reviendra (1965), Paris, Editions de Minuit, 1970.
[6] S. Chymisz, Interview réalisée par la Fondation de l’Histoire Audiovisuelle des Survivants de la Shoah, Neuilly-sur-Seine, France, 15 mai 1995, n°2591, chap.2 – 17’57.
[7] J. Starker, Interview réalisée par la Fondation de l’Histoire Audiovisuelle des Survivants de la Shoah, Paris, France, 13 juin 1997, n°32 473, chap.3 – 20’40.
[8] V. Maurice, NN (1946) repris in C. Singer, L’Univers concentrationnaire, Paris, CDJC, 1996, p. 69.
[9] P. Levi, Si c’est un homme (1958), Paris, Pocket, 1990, p. 79.
[10] A. Daudet, La Doulou (1885), Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 10.
[11] R. Antelme, Op. cit., p. 47.
[12] Ibid, p. 189.
[13] Les camps d’internement du Loiret. Histoire et mémoire (1941-1943), Catalogue d’exposition édité par le Centre de Recherche et de Documentation sur les Camps d’internement et la Déportation juive du Loiret, 1992, p. 35
[14] S. Adoner, Interview réalisée par la Fondation de l’Histoire Audiovisuelle des Survivants de la Shoah, Paris, France, 4 juillet 1995, n°3677, 1h16’38’’.
[15] R. Antelme, Op. cit., p. 126.
[16] Comme en témoigne Roger Gouffault, survivant de Mauthausen, sur le site www.campmauthausen.org.
[17] R. Antelme, Op. cit., p. 185.
[18] A. Hautval, Médecine et crimes contre l’humanité, Paris, éd. du Félin, coll. « Résistance », 2006, p. 16.
[19] E. Kogon, L’Etat SS. Le système des camps de concentration allemands (1946), traduit de l’allemand, Paris, éditions de la Jeune Parque, repris en poche coll. « Points Histoire », 1995, p. 96.
[20] P. Lewinska, Vingt mois à Auschwitz, Paris, Nagel, 1945, citée in C. Singer, Op. cit., p. 67.
[21] Ibid., p. 90.
[22] E. Kogon, Ibid., p. 118.
[23] A. Postel-Vinay, « Les expériences humaines dans les camps de concentration » in A. Hautval, Op. cit., p. 105.
[24] A. Hautval, Médecine et crimes contre l’humanité, op. cit., p. 87.
[25] Ibid., p. 89.
[26] Ibid., p. 34.
[27] J.-M. Chaumont, « Le corps du concentrationnaire : la honte et le regard » in Le Corps, sous la dir. de J.C. Goddard et M. Labrune, Paris, Intégrale/Vrin, 1992, p. 301.
[28] G. Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue (1995), traduit de l’italien par Marilène Raiola, Paris, éd. du Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 1997, p. 182.
[29] R. Antelme, Op. cit., p. 106.
[30] J., Améry, Op. cit., p. 191.
[31] E. Wiesel, La Nuit (1958), Paris, Les Editions de Minuit, 2007, p. 106.
[32] M. Honel, « Le Pire » in Ces voix toujours présentes, pp. 117-118.
[33] P. Levi, Op. cit., p. 94.
[34] R. Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe I (1961), Paris, Folio Gallimard, 2006, p. 483.
[35] P. Levi, Op. cit., p. 168.
[36] R. Antelme, L’Espèce humaine, p. 11.
[37] Saint George Mivart cité par S.J. Gould, Quand les poules auront des dents. Réflexions sur l’histoire naturelle. 3 (1983), Paris, éd. du Seuil, coll. « Points Sciences », 1991, p. 41.
[38] A. Kahn, Et l’Homme dans tout ça ?, Paris, Pocket, 2000, p. 325.
[39] A. Postel-Vinay, art. cit., p. 103.
[40] B. Müller-Hill, Science nazie science de mort. L’extermination des Juifs, des Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945, Paris, Odile Jacob, 1989, p. 52-53.
[41] R. Antelme, L’Espèce humaine, p. 104.